lundi 14 mars 2011

Fief de la Culture







Quelques marques encore existantes des limites du fief de la Culture ou de la Couture-Saint-Gervais.

M. Lucien Lambeau donne lecture de la note ci-après :

On conviendra qu'il n'est pas banal de rencontrer aujourd'hui encore, cent vingt-sept ans après la Révolution, les marques d'un fief, censive ou seigneurie de l'ancien régime, toujours en place et gravées aux encoignures de certaines maisons du vieux Paris.
Nous en signalons quatre ayant servi à limiter jadis le fief de la Couture Saint-Gervais, appartenant aux Dames religieuses Hospitalières de ce nom, lequel fief serait approximativement circonscrit aujourd'hui par les rues de Turenne, de la Perle, de Thorigny et Vieille-du-Temple (1).
Deux de ces marques sont gravées au coin des rues de Thorigny et des Coutures-Saint- Gervais, sur l'hôtel de Juigné, l'une sur la première rue, l'autre sur la seconde.


Les deux autres se trouvent au coin des rues de Thorigny et Debelleyme.
Les deux premières sont dans un état de parfaite conservation, les murs de l'immeuble étant restés dans leur état naturel, sans avoir jamais été peints et badigeonnés, ce qui évita aux inscriptions le remplissage par le mastic et la couleur.

Il n'en est pas de même pour les deux autres, encore parfaitement visibles cependant, mais qui, victimes d'un grand nombre de ravalements, sont aujourd'hui complètement empâtées.



Les marques dont il s'agit, gravées en creux dans la pierre même, se composent d'une croix dont les quatre pointes sont prolongées des quatre lettres majuscules ci-après : F, au sommet; C, à gauche; S, à droite; G, en bas.
Ces lettres, pensons-nous, doivent s'interpréter de la façon suivante :

F : fief.
C : couture.
S : Saint.
G : Gervais.

La marque entière mesure environ 0 m. 30 de hauteur sur 0 m. 15 de largeur; elle est gravée à 1 m. 70 ou 2 mètres environ du sol, c'est-à-dire à peu près vis-à-vis des yeux du passant.
Les Archives nationales conservent un petit plan manuscrit du fief ou de partie du fief dont il s'agit, portant le libellé ci-après :Plan du fief de Mesdames de S. Gervais suivant les croix gravées sur les murs.
Ce document n'est pas daté, mais paraît avoir été établi au XVIIIe siècle II est intéressant en ce sens qu'il indique par des croix, les encoignures des rues sur lesquelles étaient gravées les marques limitant le fief des religieuses. Nous y retrouvons naturellement les quatre inscriptions que nous venons de signaler.
Une autre curiosité que présente ce plan est qu'il contient, dans sa marge, le dessin même de ces marques, précédé de la mention explicative ci-après :

Figure des inscriptions tracées sur les lignes séparatives du fief.


Disons en passant que le fameux et admirable hôtel Le Camus, dit hôtel Salé, et en dernier lieu hôtel de Juigné, était situé sur ledit fief. Nous relevons dans un état des maisons de cette censive les mentions suivantes le concernant :
« Vieille rue du Temple, maison originairement jeu de paulme, présentement le petit hôtel Le Camus, à M. le marquis de Juigné. « Rue de Thorigny, une maison sise dite rue, appelée l'hôtel Salé, bâtie sur un terrain de 973 toises, contrat du 15 mai 1636 ; doit par an 12 livres 3 sols 4 deniers de cens; dernière déclaration du 23 décembre 1757, devant Me de La Leu, notaire, pour Mre Philippe Thiroux de Chammeville; nouveau censitaire : M. le marquis de Juigné (2) ».
En signalant à la Commission l'existence de ces marques de censive parisienne, nous voudrions lui demander de les prendre sous sa protection et d'inviter l'Administration municipale à lui prêter son appui en cette circonstance.
Le document épigraphique dont il s'agit présente un intérêt aussi grand, pour l'histoire de Paris, que celui qui s'attache aux anciennes inscriptions des rues gravées sur pierre de liais, aux marques de cote pour les voies des faubourgs, dont nous avons parlé dans la dernière séance, et aussi aux bornes- limites de 1724-1726 dont il a été si souvent question.
Toutes ces pierres gravées, qui jadis avaient une raison d'être, urbaine ou fiscale, signes et points de repère employés par nos anciennes administrations édilitaires et par les seigneuries qui se partageaient la ville, méritent, selon nous, d'attirer la bienveillante attention de l'Administration sur leur conservation.
D'autres points de repère analogues, ayant appartenu à diverses censives, existent encore à Paris, en très petit nombre, il est vrai. Nous pouvons signaler celui de la Censive de Sainte Catherine du Val des Écoliers, composé des lettres majuscules S. C. fortement gravées à la base de la tourelle quadrangulaire de l'hôtel Lamoignon, au coin des rues des Francs-Bourgeois et Pavée.

Et aussi celui de la Censive de Sainte Geneviève, composé des lettres STE GVE, gravées dans le pied-droit gauche de la porte charretière de l'immeuble situé rue Saint-Julien-le Pauvre, 5.
En ce qui concerne les marques faisant l'objet de la présente communication, nous proposons d'annexer au procès-verbal de la séance le plan dont il a été question.
Nous soumettons également à la Commission le vœu ci-après :
« La Commission du Vieux Paris émet le vœu que l'Administration, après entente avec les propriétaires, fasse nettoyer soigneusement et protéger par un filet bleu, comme pour les anciens noms de rues, les quatre marques du fief de la Couture-Saint-Gervais, gravées, deux, au coin des rues de Thorigny et des Coutures-Saint-Gervais, deux au coin des rues de Thorigny et Debelleyme. »

Lucien LAMBEAU.

La Commission décide l'annexion du plan dont il s'agit au procès-verbal de la séance. Le vœu est ensuite adopté.
La séance est levée à cinq heures trois quarts.
(1) Le fief est bien désigné sous ce vocable dans
une pièce de la liasse.
(2) Archives nationales. S. 6132.


LETTRES PATENTES DU ROY Louis XIV. en faveur de l'hospital Saint Gervais.

Louis par la grâce de Dieu roy de France & de Navarre, à tous presens & à venir, salut. Nos bien amées les prieure & religieuses de l'hospital sainte Anastasie, autrement de saint Gervais, en nostre ville de Paris nous ont fait remontrer que cet hospital ayant esté fondé il y a plus de cinq cens ans par la piété & dévotion de Garin & Harcher son fils bourgeois de Paris, afin d'y recevoir les pauvres, & les y nourrir & assister par hospitalité, cette fondation auroit esté autorisée par le roy Louis le jeune lors régnant, & Robert de France comte de Brienne frère dudit seigneur roy, lequel en faveur de cet establissement remit un droit de cens qui luy appartenoit sur la maison où cet hospital fut basti dans son origine. Et d'autant que le gouvernement dudit hospital fut mis premièrement entre les mains d'un maistre & des frères qui en administroient les revenus, & prenoient le soin des pauvres qui y estoient receûs, sous l'autorité & la jurisdiction des evesques de Paris, seroit arrivé par la suite des temps que ce maistre & ces frères ayans malversé dans leurs administrations, & mesme fait des alliénations considérables du fonds des pauvres & dissipé une partie des titres dudit hospital, les choses furent portées à ce point qu'il fallut les poursuivre en justice pour les faire punir de leurs dereglemens ; tellement qu'au lieu d'un maistre & des frères qui y estoient autrefois, l'evesque de Paris superieur spirituel dudit hospital fut obligé d'y establir des religieuses de l'ordre de saint Augustin, qui ont pris soin des pauvres jusques à présent, & exécuté la fondation de cet hospital avec l'edification du public. Mais d'autant qu'entre les biens qui ont esté aumosnez audit hospital, est un fief appellé de la Cousture saint-Gervais, qui consistoit en quelques arpens de terres alors assis hors l'enceinte de la ville de Paris, que les religieuses qui ont precedé les exposantes, faisoient valoir par leurs mains, & qu'elles ont depuis donné à cens & à rentes foncières à plusieurs particuliers, ainsi qu'il est justifié par les anciens baux à cens , ensaisinemens, titres nouvels, sentences & autres titres qui font voir que cet hospital jouît desdits droits de cens &rentes foncières depuis plus de trois cens ans jusques à présent, elles auroient eu recours à nous, pour nous supplier de les prendre sous nostre protection spéciale, & leur accorder nos lettres de confirmation à ce nécessaires. SÇAvoir Faisons que nous estant particulièrement informez du zèle & de l'application desdites prieure & religieuses au soulagement & service des pauvres ; desirans par ces considérations les traiter favorablement, & suppléer à la perte qui a pu estre faite de quelques-uns des anciens titres des fonds appartenans audit hospital : après avoir fait voir à nostre conseil les extraits des baux à cens & rentes, plusieurs contracts de ventes & eschanges, titres nouvels, ensaisinemens , sentences & autres actes de justice des années 1341. 1358. 1425. 1441. 1460. 1475. 1477. I483. 1491. 1506. 1513. 1520. 1563. 1571. 1648. 1649. 50. 51. 53. 55. 58. 59. 60. 61. 63. & 1665. par lesquels il appert desdites terres & maisons qui sont en la censive desdites exposantes, à cause de leur fief de la Cousture-saint-Gervais & ses dépendances, le tout cy attaché sous le contre- scel de nostre chancellerie ; avons iceux, en tant que besoin est ou seroit, de nostre grâce spéciale confirmé, approuvé & ratifié, & par ces présentes signées de nostre main confirmons, approuvons & ratifions ; voulons & nous plaist qu'ils leur tiennent lieu comme faisoit & pouvoit faire le titre primordial de leur establissement, donations & acquisitions qu'elles & leurs devanciers audit hospital ont faites, tant dudit fief de la Couture qu'autrement : à la charge toutesfois de relever de nous, ainsi qu'elles ont accoutumé, sans néanmoins estre obligées de nous payer aucuns droits & devoirs, desquels si elles estoient nos redevables, nous leur en avons fait & faisons don par ces présentes ; à condition de continuer leurs soins pour le secours & service des pauvres , ainsi qu'elles y sont tenuës par leurs statuts & par la fondation dudit hospital, & de faire dire annuellement à perpétuité le jour de saint Louis une messe & faire prières à Dieu pour la santé & prospérité de nostre personne & de ceux de nostre maison royale, & pour le bien de nostre estat. Si donnons en mandement ànos amez & seaux conseillers les gens tenans nostre cour de parlement & chambre des comptes à Paris, presidens & trésoriers de France & chambre du trésor audit lieu, & à tous autres nos justiciers & offìciers qu'il appartiendra que ces présentes ils fassent, chacun en droit soy, enregistrer, & du contenu jouïr & user lesdites suppliantes pleinement & paisiblement : ne permettant qu'il leur soit fait ou donné aucun trouble ou empeschement au contraire. Car tel est nostre plaisir. Et afin que ce soit chose ferme & stable à toujours, nous y avons fait mettre nostre scel. Donné à saint Germain au mois d'Avril l'an de grâce M. Dc. LXXI. & de nostre règne le.XXVIII Signé, LOUIS ; & sur le reply : Par le roy , Le Tellier, avec paraphe.
Registrées, oüy le procureur general du roy, pour estre exécutées & jouïr par les impétrantes des lettres & contenu en icelles, selon leur forme & teneur. A Paris en parlement le XIII. Aoust M. D. C LXXI. Signé , Durivet, avec paraphe.
Registrées en la chambre des comptes , oüy le procureur general du roy, pour jouïr par les impétrantes de l'effet & contenu en icelles, selon leur forme & teneur. Le IX. jour de Février M. D. C. LXXII. Signé, Guitonneau, avec paraphe.
Registrées au bureau des finances de la généralité de Paris, oüy le procureur du roy, pour jouïr par les impétrantes de l'effet & contenu en icelles, selon leur forme & teneur. Le xv. May M.D.C.LXXIII. Signé , DE Santeul , Sallé Dufour, DE La Barre, Robineau, Rabouyn , avec paraphe, & plus bas : Par mesdits sieurs , De Fenis., avec paraphe.
Enregistrées au greffe de la chambre du trésor, oüy & ce consentant le procureur du roy, pour y avoir recours quand besoin, & jouïr par les dames impétrantes de l'effet & contenu en icelles, selon leur forme & teneur ; suivant le jugement de ce jourd'huy XXI. Octobre M. DC. LXXIII. Signé, CHERON, avec paraphe. Pris sur une copie manuscrite.

Histoire de la Ville de Paris, Volume 4, 1725

Pour compléter les informations sur ces fiefs parisiens, aller sur Paris Secret et Insolite.



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